En tant que psychologue clinicienne et pionnière de la recherche et du traitement du genre, je préférerais discuter avec mes collègues de la prolifération actuelle et du phénomène social de ce que l’on appelle la transition de genre, assister à des présentations de conférences sur le sujet et lire des articles de recherche traitant des nombreux niveaux et de la complexité de la question.
Mais rien de tout cela ne se produit. Au lieu de cela, on assiste à un silence assourdissant de la part de la plupart des psychologues et à une explosion de soutien enthousiaste, inconditionnel et non documenté des motifs, des actions et des personnes transgenres par d’autres. Je souhaite moi aussi apporter mon soutien aux droits de la personne, mais un soutien non informé et non questionné peut en fait être préjudiciable, et je demande donc à la psychologie d’assumer ses responsabilités à cet égard. Dans cet article, je décrirai ce que je considère comme ces responsabilités, ainsi que certaines des questions importantes qui doivent être posées.
Les conférences, mais aussi la salle de classe et le laboratoire sont des lieux appropriés pour poser des questions importantes. Pourtant, celles et ceux qui fréquentent ces lieux sont actuellement réduit.e.s au silence au nom des droits de l’homme et d’un prétendu préjugé appelé « transphobie ». Des universitaires ont été censuré.e.s et, dans certains cas, ont perdu leur poste pour avoir simplement utilisé un langage jugé inacceptable par le mouvement transgenre, des mots comme « femmes ». Oui, prononcer le mot « femmes » est maintenant considéré comme un propos haineux et ce prétendu discours de haine transphobe est surveillé et éliminé de manière agressive dans nos propres universités.
Et ne vous y trompez pas. Le transgenrisme est devenu un mouvement social et non plus seulement une préférence personnelle ou une question psychologique.
Celles et ceux qui osent même remettre en question sa validité, comme je le fais ici, font l’objet de menaces, de haine et d’abus en personne et sur les médias sociaux. Des professeur.e.s ont perdu leur emploi dans certaines universités. Faire taire toute discussion dans les universités ne doit pas être ignoré, mais pris comme un signal sérieux de danger pour la liberté d’expression.
Vous avez peut-être déjà lu des opinions politiques et personnelles sur la question du passage d’un sexe à l’autre. D’un autre côté, il se peut que vous n’ayez même pas eu connaissance de la controverse qui fait rage dans certains milieux avant que je ne l’évoque ici. D’une manière ou d’une autre, et pour ceux qui se situent à mi-chemin, je veux que vous soyez informé.e.s du rôle de la psychologie dans cette controverse culturelle qui fait rage. Elle est destinée à vous toucher personnellement, si ce n’est déjà fait. Il est certain qu’un parent, un ami ou un collègue de travail fera passer cette question de l’abstrait au personnel, car les défenseurs proclamés du genre inventent de plus en plus de genres au lieu de tenter d’abolir cette construction sociale, comme l’ont fait les féministes avant eux. Plus pernicieusement, leur jeu de mots consiste à substituer le terme « genre » au changement de sexe qu’ils tentent de réaliser. La raison de cette substitution est simplement que le sexe ne peut être changé. Il s’agit d’une réalité biologique et non d’une idée construite par la société. Le sexe est actuellement immuable ; le genre ne l’est pas. L’amalgame de ces caractéristiques humaines peut mener et mène effectivement à la confusion, au mieux, et à des dommages physiques irréversibles, au pire.
Ce problème psychologique autrefois personnel, qui ne touchait que 0,1 % de la population, a explosé en un mouvement collectif présentant toutes les caractéristiques d’une contagion sociale. Dans les écoles primaires et secondaires, les groupes d’amis « transitionnent » ensemble plutôt que de rejoindre une sororité ou une fraternité. Les filles comme les garçons commencent souvent à découvrir qu’ils sont attirés par le même sexe. Les filles, en particulier, peuvent chercher désespérément à échapper aux dangers et aux contraintes liés au fait d’habiter un corps féminin. D’autres trouvent simplement que c’est « tendance » et veulent faire partie du groupe ou défier leurs parents, comme d’autres générations l’ont fait en fumant, en buvant et en consommant des drogues.
La psychologie, dans un sens important, se situe sur le territoire entre la philosophie et la psychiatrie/médecine et aussi les sciences « dures », en s’efforçant d’inclure sous son égide un large spectre d’épistémologies allant des diverses pratiques psychothérapeutiques à la recherche empirique en laboratoire. Pourtant, même la pratique la plus « douce » de la psychothérapie aspire à l’étalon-or, la pratique fondée sur des preuves. Et pourtant…
Cette nouvelle identité semble avoir été créée de toutes pièces par des philosophes, de Foucault à Butler. Il est plus difficile de déterminer comment elle s’est imposée dans l’imaginaire populaire. Je peux vous garantir une chose. Les personnes transgenres n’ont ni le pouvoir ni l’argent nécessaires pour attirer l’attention sans un soutien puissant. La raison pour laquelle ces fondateurs et bailleurs de fonds, souvent cachés, soutiennent cette idéologie est une question réservée à une autre occasion, mais elle est d’une importance cruciale. Je ne dirai qu’une chose. Ils recherchent de grands changements sociaux, et non des changements personnels et psychologiques.
La philosophie est conçue pour analyser des idées et mener des expériences de pensée. Elle n’est pas tenue à une norme de validité empirique et ne devrait pas l’être, à mon avis. C’est une forme d’exercice et de jeu intellectuel. La philosophie peut définir et opiner, la psychologie doit définir et concevoir des recherches valides et reproductibles. Avant que les idées de la philosophie ne soient considérées comme ayant une valeur d’application, elles doivent être testées dans le domaine de l’empirique. Il faut formuler de bonnes questions, en déduire des hypothèses et les tester à plusieurs reprises dans le monde réel avant de décider de faire confiance à ces nouvelles idées et de les appliquer dans le monde réel de la pratique psychothérapeutique et médicale.
Le diagnostic de « dysphorie de genre » est en fait apparu sous le nom de « trouble de l’identité de genre » et a remplacé la pathologisation de l’homosexualité (éliminée en 1973) dans le DSM, la bible de la psychiatrie. Ces diagnostics sont adoptés par un vote populaire des membres de l’American Psychiatric Association, un processus plus démocratique que scientifique. Ces membres sont particulièrement investis dans une interprétation de la psychologie en termes de santé et de pathologie. Les membres de l’association ont été convaincus par des groupes de pression et des recherches sommaires, de voter pour « normaliser » l’homosexualité. Ce faisant, ils voulaient laisser une possibilité de diagnostic pour ceux qui restaient en conflit avec leur orientation sexuelle. Le diagnostic permet le traitement via l’approbation officielle des compagnies d’assurance, qui contrôlent aujourd’hui les professions dans une mesure effarante. C’est ainsi qu’est née la notion « d’identité de genre », un compromis apparemment inoffensif et même généreux.
Mais les partisans du mouvement transgenriste ont ensuite détourné ce diagnostic, ainsi que 50 ans de théorie, de pratique et de découvertes féministes sur la construction sociale et la nature contextuelle du genre, pour en faire un mouvement de défense des droits humains, mais pas des femmes. En fait, ce mouvement porte atteinte à de nombreux droits durement acquis par les femmes, y compris non seulement le droit de se réunir en tant que groupe fondé sur le sexe, mais aussi le droit de s’appeler femmes, mères et filles. Il tente même de détruire le concept même de sexe en faisant l’amalgame entre sexe et genre.
Mais ne vous y trompez pas, des vies entières de recherche démontrent sans équivoque la différence entre sexe et genre. Ces deux concepts peuvent s’influencer mutuellement, mais ils ne représentent pas la même chose. Et l’on ne peut changer de sexe. C’est une réalité biologique.
L’attaque la plus cruelle est peut-être le fait d’utiliser contre nous notre propre demi-siècle de recherches et d’écrits féministes. En effet, ces idées ne sont pas une extension, mais une perversion de la pensée féministe. L’objectif le plus radical de la recherche féministe sur le genre, qui n’a que partiellement réussi, a été d’éliminer les catégories et les restrictions liées au genre plutôt que de les multiplier. Pour des raisons évidentes, les féministes ont tendance à endosser des lectures constructionnistes. Mais elles se refusent totalement à un constructionnisme physique qui discréditerait la réalité du sexe. Les féministes ont tendance à respecter et à vivre en accord et en paix, sans essayer de dominer Mère Nature, de la surpasser ou de la détruire. Nous venons en paix.
Voici des questions plus importantes. Si les psychologues et les psychiatres doivent pathologiser et diagnostiquer, une pratique discutable au mieux, alors ne devraient-ils pas manier ces diagnostics avec précaution, car des vies en dépendent ? Considèrent-ils alors, en vue de leur élimination, des pathologies comme le narcissisme ou les troubles sociopathiques, les fétichismes sexuels, les troubles dissociatifs ou même les troubles délirants ? La transition ressemble-t-elle davantage à l’automutilation ou aux troubles alimentaires qu’à l’homosexualité ? De plus en plus de patients sont amenés à s’auto-diagnostiquer, une pratique que les professions n’offrent à aucun autre groupe.
Voici une autre excellente question épistémologique que nous devrions poser. Qui a décidé de désigner les LGBT+ comme un groupe, comme la « communauté de l’alphabet » ? En fait, le T n’a pas grand-chose en commun avec les L. G et B, hormis cette marginalité. Le transgenrisme se présente même comme un remède à l’homosexualité, plus acceptable pour de nombreux parents que le fait d’avoir un enfant gay. Dans des pays comme l’Iran, les homosexuels sont contraints de changer de sexe afin que le pays puisse se débarrasser de toute homosexualité d’un coup de scalpel. C’est ainsi qu’on voit le gouvernement iranien déclarer qu’il n’y a pas d’homosexuels dans son pays.
Le traitement médical/psychologique mime des procédures antérieurement approuvées par les professions libérales, telles que les trépanations et les lobotomies, ainsi que les thérapies de conversion, toutes discréditées aujourd’hui. Ces « remèdes » physiques sont aujourd’hui décriés comme de la torture et, à mon avis, les générations futures feront de même avec les transitions sexuelles. Si les gens veulent jouer avec la fluidité du genre, pourquoi ne pas les laisser faire plutôt que de les diagnostiquer ? S’ils veulent aspirer à changer leur sexe biologique, pourquoi ne pas leur rappeler éthiquement que le changement de sexe au sein de l’espèce humaine n’est pas possible ?
De prochains problèmes sont déjà contenus en germes dans la solution actuelle. Je pense que, dans un avenir pas si lointain, nous aurons de nombreux groupes de survivant.e.s adultes de la transition sexuelle, y compris des gens gravement malades à cause des effets secondaires d’une vie passée à consommer des hormones, ainsi que ceux et celles qui seront stériles et ceux qui regretteront leurs gestes. Leur traitement pourrait bien être l’avenir d’un large segment de la psychologie.
This article was originally published in TRADFEM.